Laurent Pellé
Les cauris sont jetés au sol, les signes géomantiques sont tracés dans le sable, l’attention est soutenue : si chacun d’eux est favorable, alors les » Gold Coastiers « , ou Zabrama, pourront partir pour le Ghana. Là-bas, il y a l’argent, les habits, les pagnes qui font que les filles sont belles, et toutes sortes de richesses. Là-bas, ces hommes exercent tous les métiers : mineurs, manœuvres aux Travaux publics, jockeys, dockers au port d’Accra ou de Takoradi, commerçants sur les marchés, voleurs, marabouts…
Le dimanche, tous ne fréquentent pas les bars au nom évocateur : » Dis donc, Jo, si on allait à Mexico « , » Dimanche dans les montagnes Rocheuses « …, tous ne dansent pas sur les pistes où résonnent les calypsos venus des West Indies. Ceux-là se retrouvent dans un faubourg, dans une clairière, pour participer à un rituel de possession avec les génies de la force, les génies de la ville et de la technique, les Hauka.
Par ses recherches sur la naissance des cultes hauka, Jean Rouch est amené à étudier les migrations des Songhay et des Zarma, leurs relations avec les habitants de la Gold Coast (Ghana) ou de la Côte d’Ivoire, leurs activités économiques, politiques et religieuses. De 1950 à 1961, de la brousse sahélienne aux villes bruyantes, des marchés traditionnels aux mines d’or ou de diamant, d’un meeting du Convention People’s Party à une réunion politique des Zabrama de Kumasi, d’un hauka hori aux messes de Mr Albert Atcho, les enquêtes plongent l’ethnographe au cœur d’une Afrique en mutation, d’une Afrique où le monde urbain et le monde industriel sont en plein essor.