Session 3 - L’influence durable de Rouch aux USA
jeudi 9 novembre 2017 15:30 - 16:30

13h00-14h30 : Pause déjeuner

Inscription recommandée

Chair: Faye Ginsburg

Steve Feld, University of New Mexico

Deux fois rencontré

J’ai rencontré Jean Rouch à Paris en 1974, lorsque je passais un semestre au Musée de l’Homme. Ses films, ses écrits et ses cours ont eu une forte influence sur moi et dans les années qui ont suivi j’ai participé à la traduction de ses principaux essais pour le public anglophone. Bien que nous soyons restés en contact lors de ses visites aux États-Unis et des miennes en Europe pendant les années 70, 80 et 90, je n’ai pas trouvé un moyen d’intégrer ses techniques et ses expériences dans mon travail. Avec le décès de Rouch en 2004 et la publication, juste avant, de son recueil d’essais, Ciné-Ethnography (traduit et édité par mes soins), il semblait que notre rencontre avait trouvé son terme. Mais je suis ensuite allé en Afrique de l’Ouest où j’ai commencé un projet sur le cosmopolitisme du jazz à Accra. Et là j’ai rencontré Rouch à nouveau, mystérieusement, à travers des entretiens avec des musiciens et des ouvriers africains qu’il connaissait et qu’il avait même filmés ou photographiés lors de ses visites au Ghana dans les années 1950. Les cinq longs métrages ethnographiques que j’ai réalisés au Ghana depuis 2005, ainsi que des travaux plus courts, sont donc marqués par les rencontres improvisées avec les techniques cinématographiques de Rouch ; j’ai même inclus un montage réflexif de dialogue de ses films Baby Ghana (1957) et Jaguar (1954-1967) dans le dernier de mes films. Mon exposé parlera de cette double rencontre, de l’élève, du traducteur et de l’éditeur de Rouch que j’étais pendant ses années de vie, jusqu’à l’écho-écrivain cinéaste en Afrique de l’Ouest que je suis devenu dans les années qui ont suivi sa mort.

 

Paul Stoller, West Chester University

Le monde selon Jean Rouch

Au cours de sa longue carrière d’anthropologue et de réalisateur, Jean Rouch a puisé dans le passé de l’Afrique de l’Ouest afin de réfléchir sur son avenir, ce qui explique son rôle de mentor pour un bon nombre d’intellectuels. Dans cette présentation j’examine comment le long séjour de Rouch chez les aînés Songhay et Dogon en Afrique de l’Ouest a façonné son projet ethnographique. Comme la plupart des apprentis de l’Afrique de l’Ouest, Rouch a pris du temps pour approfondir sa maîtrise de ces cultures, revenant au Niger et au Mali année après année pour enrichir son lien avec les aînés. Avec le temps, il a développé son métier et perfectionné ses pratiques, produisant une oeuvre ethnographique stimulante – sur la religion, les méthodes de terrain et, bien sûr, le film ethnographique. Et pourtant, le monde selon Rouch ne portait pas seulement sur la maîtrise de son œuvre mais aussi sur l’obligation la plus importante du maître – transmettre ses connaissances à la prochaine génération. Comme je le suggère dans cet article, ce modèle d’apprentissage “à l’africaine” a tracé le cours de nombreuses vies ethnographiques, y compris mon propre chemin le long des virages du monde des Songhay.

 

Chistopher Kirkley, Sahel Sounds

Cinéma numérique en bricolage au Niger contemporain

En développant les techniques de Rouch pour l’ère numérique, j’essaie dans mes projets cinématographiques de créer un cinéma transculturel qui peut exister à la fois à l’échelle nationale et internationale. Dans cette communication je traiterai de mon adaptation des techniques de Rouch à un cinéma collaboratif contemporain au Niger, notant en particulier comment un petit budget et les méthodes du bricolage encouragent un cinéma participatif. Travailler avec un budget petit ou inexistant amène une réalisation chaotique et spontanée, et exige une équipe pleinement engagée. Les nouveaux appareils numériques peu coûteux sont faciles à maîtriser, et permettent aux collaborateurs d’aujourd’hui de jouer un rôle plus important dans tous les aspects de la production: de l’interprétation et de la mise en scène jusqu’au rôle du caméraman ou de la production. La distribution numérique garantit que les films finaux sont plus accessibles que jamais au niveau local, et les acteurs n’en sont que plus intéressés par la qualité du produit final. Ma présentation comprendra des clips de certains de nos films récemment réalisés dans le nord du Niger, d’une comédie musicale inspirée de Purple Rain (1984) à un acid western magico-réaliste.