En arrivant, caméra en main, dans les « rues tsiganes » du village de Dițești, en Roumanie, mes interlocuteurs me montrent très rapidement combien leur tsiganie est peuplée d’images : des telenovelas, des images domestiques, des « films de commande familiaux »… mais aussi des images que j’apporte avec moi et qu’ils perçoivent justement à chacun de mes mouvements de caméra. Dès lors, chaque situation filmée fait l’objet d’intenses négociations entre des pratiques et des expériences filmiques contrastées. En se confrontant à cette écologie des images, l’enquête par les arts filmiques ouvre les voies pour une« co-esthétique » attentive à l’expérience vécue et au savoir des images de ses interlocuteurs. Cette séance montrera combien la prise en considération de cette écologie des images reconfigure la pratique filmique en sciences sociales et élargit le champ phénoménal des différentes traditions de recherche qui composent l’anthropologie visuelle (le film ethnographique, les Indigenous Media et l’ethnographie expérimentale).
Jonathan Larcher est cinéaste et anthropologue. Doctorant à l’EHESS, et diplômé en études cinématographiques (Sorbonne Nouvelle), il travaille sur « les arts filmiques en anthropologie » à partir d’une enquête réalisée au sein d’un village tsigane en Roumanie et d’une historiographie critique des imageries par lesquelles les familles romani (roms/tsiganes) ont été appréhendées. Ses recherches sur les archives et cultures visuelles de l’anthropologie prennent notamment la forme d’une monographie consacrée aux artistes Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi (à paraître en 2018). Il est l’auteur de deux films documentaires: Viaţa la noi (La vie chez nous) (2010) et Je me demande si on n’aurait pas mieux fait de rester seuls (2012) et co-auteur avec Leyokki de Romani Memory #1 – Amintire (2016, 10 min).