Le danger que court le cinéma documentaire, surtout lorsqu’il veut s’approcher d’un monde lointain – que ce soit dans l’espace ou dans l’esprit –, est de céder à la trivialité des choses, de faire perdre toute orientation à son propre regard et de se contenter d’enregistrer mécaniquement ce que l’on appelle le « réel », mot fétiche servant à désigner ce sur quoi nous n’avons pas prise. D’un film qui succomberait à ce mal, nous dirions simplement qu’il ne connaît que les faits, qu’il prend les choses au pied de la lettre et qu’il est dépourvu d’imagination. Le cinéma de Pierre-Yves Vandeweerd échappe résolument à cette faillite parce qu’il est imprégné de la conviction que ce fameux réel n’existe sans doute jamais pour nous que s’il est l’objet d’une vision, que s’il est, en un mot, transfiguré. Nous ne sommes pas dans le réel, c’est au contraire le réel qui est en nous : dans nos songes, dans nos pensées, dans notre imagination, oui, dans notre capacité à produire des images. Les êtres qui peuplent d’une manière si familièrement mystérieuse les films de Pierre-Yves Vandeweerd sont emportés, broyés et soulevés par l’image qu’ils se font du monde. Le cinéma qui nous parle d’eux filme des images, non pas des choses. Appelons cela un cinéma visionnaire.
Stéphane Breton
Biographie
Les films de Pierre-Yves Vandeweerd s’inscrivent dans le cinéma du réel et ont été tournés dans plusieurs régions du monde : en Mauritanie (Némadis, des années sans nouvelles / Racines lointaines / Le Cercle des noyés), au Sahara occidental (Les Dormants / Territoire perdu), au Soudan (Closed District), en France sur les Monts Lozère (Les Tourmentes). Son dernier film, Les Éternels a été réalisé en Arménie et au Haut-Karabagh. Tournés pour la plupart en pellicule 16 et Super 8 mm, ses documentaires réunissent, par un geste cinématographique poétique, des guerres et des destins oubliés, les limites de la raison, la condition humaine. Ils résonnent comme autant d’incursions aux confins du réel.
Après des études en anthropologie et civilisations africaines, Pierre-Yves Vandeweerd a enseigné, jusqu’en 2003, comme assistant à la faculté de philosophie et lettres de l’université libre de Bruxelles.
De 2004 à 2008, il développe et dirige dans le cadre de la coopération bilatérale entre la communauté française de Belgique, la région wallonne et le Sénégal, une résidence annuelle d’écriture et de réalisation documentaire destinée à des jeunes cinéastes sénégalais : Cinéma(s) d’Afrique(s).
De 1998 à 2008, il est codirecteur du festival biennal du cinéma documentaire de la Communauté française de Belgique : Filmer à tout prix.
De 2008 à 2011, il est professeur à l’IHECS (Institut des hautes études de communication sociale).
Depuis 2011, il collabore en tant que programmateur au festival Les États généraux du documentaire de Lussas.
De 2014 à 2018, il est intervenant à la haute école d’art et de design de Genève, HEAD (www.hesge.ch/head/) – département cinéma et organise des résidences de réalisation destinées aux étudiants de 1ère année bachelor.
Depuis 2018, il est professeur à la haute école d’art et de design de Genève (HEAD) – département cinéma et est responsable pédagogique de la 3e année bachelor.
Filmographie
2000 Némadis, des années sans nouvelles
2002 Racines lointaines
2004 Closed District
2007 Le Cercle des noyés
2009 Les Dormants
2011 Territoire perdu
2014 Les Tourmentes
2017 Les Éternels