Regards Comparés : La Grèce
Après le Tibet en 2013, le Festival Jean Rouch ouvre ses Regards comparés à la Grèce. Dans l’auditorium de l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales, la programmation de cette année réunit 24 documentaires grecs et étrangers qui couvrent un siècle de cinéma. D’un film à l’autre, le sublime côtoie le monstrueux au gré des angles de vue et des échelles d’analyse ; les réalisateurs saisissent les dynamiques historiques et spatiales telles que les vivent, à des moments charnières, les Grecs d’hier et d’aujourd’hui. Destins collectifs et parcours individuels entrent en résonance dans les villes et campagnes de la Grèce continentale et insulaire.
La première journée associe des documents rares conservés aux Archives Françaises du Film et à la Cinémathèque de Grèce pour souligner les ruptures et les constantes de l’un des siècles les plus troublés de l’histoire grecque, puis se penche plus particulièrement sur les retombées de la Seconde Guerre mondiale.
La deuxième journée est consacrée à la diversité des espaces grecs, sources d’inspiration du muet à nos jours, comme le montrent notamment, entre lyrisme, humour, poésie et distanciation, les courts métrages novateurs des années 1960 et 70. Un hommage est en outre rendu à Vassilis Maros, figure majeure du cinéma documentaire au 20e siècle ; denses et synthétiques, ses compositions témoignent d’un regard plein de tendresse et d’esprit, au plus proche de la vie.
La splendeur du paysage laisse place le troisième jour aux grandes catastrophes de l’histoire. Confrontant politiciens et hommes ou femmes du peuple, victimes et bourreaux, les documentaristes s’engagent à sensibiliser le public aux souffrances du peuple de Chypre, à l’endoctrinement des citoyens pendant les dictatures, à la gestion mémorielle de la guerre civile.
Enfin, les lettres et les arts, toujours présents dans le monde grec au quotidien comme dans leurs formes les plus abouties, sont placés au coeur de la dernière journée. Auprès de ceux qui, entre tradition et modernité, profane et sacré, transcendent la monotonie du quotidien et les affres de l’histoire, les cinéastes excellent à leur tour dans l’art du documentaire lui-même en proposant, au tournant du 21e siècle, de nouvelles voies.
De l’archive brute au docu-fiction, cette rétrospective met au jour une large palette d’écritures qui invitent à découvrir la tradition méconnue du documentaire grec, mise en perspective à chaque séance par un débat avec le réalisateur ou l’une des personnalités marquantes des films projetés.
Stéphane Sawas, Professeur des universités à l’Inalco, Directeur du Cerlom