Rencontre avec la cinéaste Aminatou Echard. Introduction et discussion animée par Laurent Pellé, délégué général du Festival international Jean Rouch.
L’expérimentation est la pierre angulaire du cinéma d’Aminatou Echard. Forme, récit, réel, donner à voir et à entendre, faire ressentir, créer des émotions, tout est objet à expérience. La recherche est totale, sans interdit. Du flou foisonnant des images à leur nudité la plus crue, d’une masse sonore tonitruante au silence envoûtant, de la saturation des matières au « refilmage » signifiant, d’un ralenti surnaturel à une accélération discordante, pas de hasard, tout est pensé dans ses extrêmes limites au profit d’une intension, d’un désir de film. Si le public est perturbé, bousculé, alors l’objectif est atteint. Pour Aminatou Echard, le spectateur participe à une expérience quand il regarde un de ses documentaires ; c’est, pour lui, découvrir jusqu’à quel point il accepte ce que la cinéaste lui propose, jusqu’où « il est souple dans son rapport au film ». Par la forme et l’esthétisme de ses réalisations, la cinéaste donne à voir et à penser différemment, et c’est en cela que réside fondamentalement sa démarche. C’est avec générosité qu’elle offre au public ses créations, ses expériences, son regard au monde, ses engagements, pour échanger librement, comme elle l’a fait avec tous ceux qu’elle a rencontrés lors de ses tournages. En effet, l’acte de filmer implique pour elle qu’il n’y a pas d’autre démarche acceptable que celle qui, en se mettant à l’écoute de femmes et d’hommes et en partageant pour un temps leur existence, donne accès à leur intimité. Vivre de l’intérieur les situations, les habiter, les observer constitue en cela une évidence pour cette fille de chercheuse en anthropologie, pour qui faire du cinéma, faire des sons implique une éthique, tout comme dans ses rapports au monde.
Laurent Pellé
Biographie
Le fait que les créations cinématographiques d’Aminatou Echard soient liées à une approche anthropologique n’est peut-être pas du au hasard, son enfance se déroula au sein d’une famille dont la mère était anthropologue cinéaste au Niger et proche de Jean Rouch. Son parcours universitaire en est la preuve puisqu’en 2000 elle soutient une maîtrise d’ethnomusicologie à l’université de Paris VIII et l’année suivant elle obtient un DESS Réalisation documentaire de création à Lussas-Ardèche Images et Grenoble III. Pour parfaire ses connaissances et sa pratique du son elle participe en 2009 à l’atelier de création sonore dirigé par Daniel Deshays. À partir de 2005, le cinéma est au cœur de ses activités artistiques, par la réalisation de films documentaires expérimentaux et d’installations, comme par l’enseignement à l’occasion d’ateliers avec Son & Image, Cinéma 93, la Cinémathèque française, l’institut de la culture d’Achkhabab (Turkménistan) et l’université nationale autonome de Mexico. Actuellement, elle écrit un long-métrage documentaire et expérimental ayant pour titre Le grand tout.
Filmographie
2018 Djamilia
2014 Marco
2011 Broadway
2007 Esquisses kirghizes
2006 La Petite fille et la mer
2005-2010 Lettre océan (série de onze court-métrages)
2004 Gens de Potosi
2003 Voir Venise
2003 Et elle dit de ses mots ailés