Rencontre avec les cinéastes Anastasia Lapsui et Markku Lehmuskallio, animée par Dominique Samson Normand de Chambourg, maître de conférences à l’Institut national des langues & civilisations orientales (Études sibériennes)
En 1989, comme en écho à la perestroïka qui a fait irruption en Russie, Markku entre dans la vie d’Anastasia. Parce qu’il a lu un recueil de poèmes inuit, Markku Lehmuskallio est venu de Finlande pour tourner un documentaire sur l’art de vivre des peuples arctiques. Markku l’initie alors au montage de films une première fois (Je suis, 1992), une seconde fois (Tel un renne le long de la voûte céleste, 1993), et Anastasia s’émerveille de créer la vie à partir du dessein de Markku, image après image. Bien sûr, lors du tournage des premiers documentaires, Anastasia oublie parfois la camera de Markku pour laisser vagabonder son micro, alors au montage les perdrix des neiges parlent nénètse, les cloches frétillent comme un poisson dans l’eau et les chiens bruissent telle l’herbe où perlent « le chant du vent, le frémissement de la terre et le murmure d’une conversation ». Ainsi naît le cinéma d’Anastasia Lapsui et Markku Lehmsukallio. Du documentaire à la fiction, de la couleur au noir et blanc, du chant à l’animation.
Anastasia Lapui (1944) est née dans une toundra de Iamal, dans un endroit qui ne figure sur aucune carte, entre un père délicat qui était comme « notre amie avec laquelle nous partagions nos secrets » et une mère qui chantait comme vous parlez. Après des études de journalisme, elle travaille vingt-six ans à la radio du district autonome Iamalo-Nénètse. Avec Leonid Kazavtchinski, elle collabore à deux premiers documentaires : Écoutez, écoutez ! (1989) et Les Nénètses (1990). Sa rencontre avec Markku Lehmuskallio l’entraîne définitivement vers le cinéma. Mais avant le mariage, elle a posé ses conditions : créer en nénètse et à partir de ce qu’elle connaît, simplement.
Markku Lehmuskallio (1938) est né à Rauma en Finlande. Dans sa jeunesse, il voyage dans le nord du pays et fait quelques courts métrages sur les Sami. À la suite d’un incendie qui détruit sa maison, l’ancien forestier et photographe tourne des films éducatifs sur la forêt. Au début des années 1980, lorsqu’il filme un long métrage sur les Sami, il prend conscience du pouvoir du cinéma : en filmant de l’extérieur, il peut montrer l’univers intérieur des femmes et des hommes qui évoluent sous l’œil de la caméra. L’œuvre entreprise aux côtés d’Anastasia Lapsui veut rendre compte de la diversité et de la richesse du monde.
Filmographie :
1993. Poron hahmossa pitkin taivaan kaarta (Tel un renne le long de la voûte céleste), 92 min
1994. Kadotettu paratiisi (Paradis perdu), 112 min
1995. Jäähyväisten kronikka, (La Chronique des adieux), 91 min
1997. Anna, 55 min
1998. Uhri – Elokuva metsästä (Le Sacrifice : Un film de la forêt), 60 min
2000. Seitsemän laulua tundralta (Sept Chants de la toundra), 90 min
2001. Paimen (Le Berger), 58 min
2002. Elämän äidit (Mères de la vie), 84 min
2003. Jumalan morsian (La Fiancée du septième ciel), 85 min
2004. Fata Morgana, 57 min
2006. Sápmelas – Saamelainen (Les Sami), 82 min
2007. Nedarma (Le Voyage perpétuel), 78 min
2009. Sukunsa viimeinen (Neko, dernière de la lignée), Finlande, 85 min
2012. 11 Ihmisen Kuvaa (11 Images de l’homme), Finlande, 76 min
2015. Tsamo, 75 min
2017. Pyhä, 74 min (coréalisé avec Johannes Lehmuskallio)