Action soutenue par la Région Île-de-France
Le Comité organise, comme chaque année, un Bilan du Film Ethnographique. L’année 2006 en sera la vingt-cinquième édition. À cette occasion, nous proposons un Colloque International qui rendra compte des différentes orientations qui ont conduit du document ethnographique des premières années du cinématographe aux expériences contemporaines de l’anthropologie audiovisuelle avec les instrumentations analogiques.
À l’issue de la semaine des projections habituelles du Bilan, ces trois journées de rencontre aborderont les domaines suivants:
1 – Du document ethnographique au cinéma ethnologique : les différentes voies.
2 – Reconsidérations conceptuelles et thématiques : de l’évidence du regard (la tentation objectiviste) à la diversité des logiques de savoir (les paradoxes du relativisme).
3 – La situation anthropologique : rencontres, dialogues, transactions, négociations et diversité des vécus et des langages.
4 – Une interrogation parcourra l’ensemble de nos préoccupations et sera l’un des axes essentiels de nos débats : la question des langages et de leurs instrumentations contemporaines.
Cette rencontre sera également l’occasion pour les anthropologues audiovisuels français de poursuivre les conversations amorcées par certains d’entre nous et concernant la nécessité de mettre sur pieds une instance de regroupement – association et réseau qui permettraient de mettre en commun, de valoriser les expériences et de promouvoir toute action et réflexion possibles dans ce domaine.
BILAN DU FILM ETHNOGRAPHIQUE : VINGT- CINQ ANS !
Une crise de croissance
Le 8 mars 1982 a débuté le premier Bilan du Film Ethnographique organisé par Jean Rouch. Depuis, près de mille films ont été programmés, une moyenne d’environ quarante films par an, pour la plupart assez largement distribués tant en France qu’à l’étranger. C’est sans doute l’une des plus anciennes et des plus importantes manifestations de ce genre dans le monde et nous allons ouvrir sa vingt-cinquième édition.
Le Bilan a largement contribué à une véritable révolution dans la conception même de l’anthropologie. De nouveaux chemins de connaissance se sont ouverts, croisant l’expérimentation des techniques cinématographiques et des savoir-faire anthropologiques.
L’expérience du terrain et la prise en compte du contemporain ont impulsé une nouvelle manière de voir approchant progressivement de l’anthropologie partagée proposée par Jean Rouch. Le langage cinématographique en anthropologie a permis d’explorer des champs longtemps restés marginaux : la durée et la relation espace/temps, les émotions, la relativité des comportements et des valeurs, les traitements comparatifs du corps, les formes culturelles de l’expression de la personne, la mise en scène de la parole et la construction permanente du réel, les modalités concrètes de toutes les représentations. Ce sont des moyens, désormais, incontournables de prendre en compte une essentielle réciprocité des regards. L’anthropologie visuelle est devenue un champ de recherche et d’expérimentation largement partagé dans le monde et le Bilan aura été l’un des vecteurs essentiels de cet avènement.
Les expériences confrontées au cours de ces vingt cinq années de Bilan, ouvrent aujourd’hui à des interrogations renouvelées sur les modalités instrumentales comme sur la nature des champs d’investigations. Des technologies révolutionnaires sont à notre disposition mais elles n’apportent rien en elles-mêmes si le regard que nous portons sur nous mêmes et sur les autres reste inchangé. Lors du Bilan de 2004, nous avions amorcé une réflexion à propos de ces technologies, conscients d’une nécessaire différentiation des manières de faire dans un champ élargi de l’anthropologie visuelle.
Les expériences présentées à ce Bilan 2006 et la diversité des réalisateurs appartenant à de nombreux pays font largement échos à ces préoccupations. Celles-ci nous ont conduit, pour enrichir s notre réflexion, à proposer en conclusion de ce 25° Bilan du Film Ethnographique un colloque international intitulé : »Du Cinéma Ethnographique à l’Anthropologie Audiovisuelle ».
Certains ont parlé d’une crise de l’anthropologie audiovisuelle, il me semble plus vraisemblable d’évoquer une « crise de croissance » à laquelle nous sommes tous conviés de participer le plus largement possible.
Marc H.Piault – President du Comité du Film Ethnographique
Sur les traces du Renard Pâle, suite…
I’m quite fond of the idea that it’s this same little Pale Fox who introduced the « digital » in our electronic systems. … There will be books associated with those discs that will cost nothing at all….You’ll take out a disc that reads Sigui19-0, and a little label explaining : an old man tells the myth in a secret language…..It’s these video disc books that future generations will read in a hundred years, and I’ll receive the best criticisms of my films in maybe two centuries! I like this idea. In Jean Rouch, The Camera and Man, Anthropology on Visual Communication, Vol 1, 1973.
Organiser un colloque sur “nouvelles technologies, nouveaux terrains, nouveaux langages” à l’issue du 25eme Bilan du film ethnographique, permet de rendre hommage à Jean Rouch, initiateur de cet incontournable rendez-vous des anthropologues cinéastes et de poursuivre son travail de pionnier.
Si, en 1973, Jean Rouch imaginait déjà la mise en circulation de nouveaux objets de connaissance créés grâce aux techniques digitales, trente ans plus tard l’essor de ces nouvelles technologies réactualise la célèbre opposition entre Pythagore et Aristote, entre la préséance des nombres sur celle des sens dans l’architecture du monde.
Art de l’ère industrielle, né à l’âge des techniques analogiques, le cinéma a engendré une réflexion critique sur le monde et ses systèmes de représentation. A l’époque de la numérisation et de la globalisation, l’anthropologie visuelle se confronte à de nouveaux enjeux éthiques, politiques et économiques, liés aux conditions de production et de circulation des données recueillies.
Au-delà d’une simple mise en commun des savoirs acquis, ce colloque permettra une confrontation entre les nouvelles approches, les nouveaux terrains. Il favorisera l’émergence d’une nouvelle éthique partagée par les acteurs, les auteurs et les spectateurs impliqués dans la « res publica », le domaine public, espace global certes mais que nous nous devons d’investir des regards, des questionnements et des émerveillements de tous.
Nadine Wanono
CEMAf-SPAN, CNRS, ethnologue, cinéaste.
Si nous avons présent à l’esprit ce qui passe quotidiennement par les réseaux d’information, l’idéologisation qui les envahit, leur prétention de parler au nom de tous, l’Anthropologie Visuelle peut apparaître comme une activité un peu bizarre et un peu hors du monde.
L’Anthropologie Visuelle s’obstine à faire parler les gens, à rapporter leurs pensées, leurs attentes, leur vision de la vie, et à témoigner des musiques, des nourritures, des cérémonies, des langues parlées par peu de gens et destinées à une extinction proche, des activités de travail perdues, des vies qui se déroulent entièrement autour d’une petite communauté ou perdues au sein des métropoles.
Puis, à y regarder de plus près, la réalité est l’interrelation et la coexistence de toutes ces innombrables activités, c’est le déroulement de tant d’existences individuelles et communes qui compose, dans une immense mosaïque, la vraie réalité du monde et qui dévoile dans toute son évidence la virtualité de celle qui nous est apportée quotidiennement sous les yeux, dans nos maisons.
Alors, continuer à s’occuper de femmes et d’hommes dans leur individualité concrète, utiliser et partager les moyens que la technologie actuelle nous offre pour activer un contact et véhiculer une communication; présenter de multiples points de vue et en créer de nouveaux tels que le résultat d’une interaction, parfois conflictuelle quand celui qui utilise les moyens technologiques est différent de celui qui est l’objet/le sujet du travail : il me semble que dans tout cela l’on peut trouver le sens ultime de l’Anthropologie Visuelle, la direction à suivre pour son développement.
Je suis sûr que le Colloque international que le CFE organise pour la célébration du 25ème Bilan du Film Ethnographique s’interrogera sur le sens de faire aujourd’hui de l’anthropologie visuelle et qu’elle saura donner des réponses concernant les prospectives que le futur semble lui réserver.
Paolo Piquereddu Directeur de l’Istituto Superiore Etnografico della Sardegna
Comité d’honneur :
Raymond Depardon (France) – Photographe, cinéaste.
Ian Dunlop (Australie) – Cinéaste.
Danielle Hervieu-Léger (France) – Présidente de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales.
Stéphane Martin (France) – Président du musée du quai Branly.
David Mac Dougall (Australie) – Cinéaste et Directeur du « Program in Visual Research Across Cultures », à l’Australian National University de Canberra.
Marie Christine de Navacelle (France) – Conservateur.
Gilbert Rouget (France) – Ethnomusicologue, Directeur de Recherche Honoraire, CNRS.
Comité scientifique :
Serge Bahuchet (France) – Directeur de recherche, CNRS, Directeur de l’UMR Eco-Anthropologie et Ethnobiologie, Environnements, populations, sociétés.
Patricia Birman (Brésil) – Professeur d’Anthropologie à l’Université d’État de Rio de Janeiro.
Elaine Charnov (USA) – Directrice, Margaret Mead Film & Video Festival, New York.
Peter Ian Crawford (Grande-Bretagne) – Anthropologue, Université d’Aarhus, Danemark, Trésorier, Nordic Anthropological Film Association.
Cynthia Close (USA) – Executive Director of Documentary Educational Resources, Watertown.
Beate Engelbrecht (Allemagne) – Directrice, Department « Media Transfert » of IWF Knowledge Media, Directrice Göettingen International Film Festival, cinéaste.
Claudine de France (France) – Directrice de Recherche émérite, CNRS, cinéaste, ethnologue.
Faye Ginsburg (USA) – Directrice, Center for Media, culture, and History, Department of Anthropology, NYU.
Paul Henley (Grande-Bretagne) – Professeur, Directeur, Granada Centre for Visual Anthropology, Université de Manchester.
Tai-Li Hu (Taiwan) – Présidente, Taiwan International Ethnographic Film Festival, cinéaste.
Rolf Husmann (Allemagne) – Président, Commission on Visual Anthropology, Institut für den Wissenschaftlichen Film.
François Laplantine (France) – Professeur, Centre de recherches et d’études anthropologiques, Université de Lyon 2.
Jacques Lombard (France) – Directeur de Recherche, IRD, cinéaste.
Quentin Mével (France) – Délégué Général, Association des Cinémas de Recherche d’Ile-de-France.
Yasuhiro Omori (Japon) – Directeur, Department of Cultural Research, National Museum of Ethnology, Osaka, cinéaste.
Inoussa Ousseini (Niger) – Délégué permanent du Niger, UNESCO, cinéaste.
Colette Piault (France) – Directrice de Recherche honoraire, CNRS, SFAV, cinéaste.
Paolo Piquereddu (Italie) – Directeur, Istituto Superiore Regionale Etnografico, Nuoro.
Rossella Ragazzi (Italie) – Maître de conférence, Université de Tromso, Norvège, cinéaste.
Peter Stockinger (Autriche) – Directeur de l’Equipe Sémiotique Cognitive et Nouveaux Médias, Maison des Sciences de l’Homme.
Anne-Christine Taylor (France) – Directrice, Département de la recherche et de l’enseignement, Musée du quai Branly.
Nadine Wanono (France) – CEMAf-SPAN, CNRS, ethnologue, cinéaste.
Organisation :
Comité du Film Ethnographique
Coordinateurs :
Françoise Foucault, Philippe Lourdou, Laurent Pellé, Marc H. Piault, Nadine Wanono.