Regards comparés > Archives Regards Comparés

en 2004 : Iran, Nomadisme, rituels, musique

REGARDS COMPARÉS IRAN
Nomadisme – Rituels – Musique
20 au 24 octobre 2004

Télécharger le document : 2004 Programme RCD



Retour aux archives // Accueil du CFE


Cette manifestation est organisée dans le cadre
des Rencontres internationales de l’audiovisuel scientifique
Image et Science

Débats animés par :
Marc-Henri Piault (France), Président du Comité du Film Ethnographique
Christian BROMBERGER (France), Directeur de l’Institut d’ethnologie méditerranéenne et comparative, Université Aix-Marseille
Jean-Pierre DIGARD (France), Directeur de Recherche CNRS, UMR 7528 Monde Iranien
Farrokh GAFFARY (Iran), Cinéaste et chercheur
Jean-Claude PENRAD (France), Maître de conférence à l’EHESS, anthropologue et cinéaste

Programmation conçue et réalisée par Françoise Foucault, Responsable des Regards Comparés et Laurent Pellé, coordinateur.

Merci à tous ceux qui ont rendu possible cette manifestation :
ACCAAN (France), Dominique Maestralli – AMIP (France), Xavier Carniaux – ANANDA Production (France), Éric Bacos –  ARTE (France), Béatrice Aullen –  ARTE, Unité actualité culturelle (France), Sophie Joly –  CNRS Images (France), Pierre Saliot et Catherine Balladur – Escambiar (France), Sylvie Allix –  Les Films du requin (France), Cyriac Auriol –  Gaumont Pathé archives (France), Manuela Padoan et Nathalie Sitko – K Production (France), Étienne Miolan et Marc Oriol – Ministère des Affaires étrangères (France), Valérie Mouroux – Musée de l’Homme (France) Zeev Gourarier et Elisabeth Caillet –  Museum National d’Histoire Naturelle (France), Bertrand-Pierre Galey – Play Film (France), Mahmoud Chokrollahi – SFAV (France), Thierry Roche

aux réalisateurs qui nous ont prêté gracieusement leur film :
Jean Baronnet (France) –  Christiane Guillaume (France) – Soheila Haghdoost (Iran) – Majid Hamidiani (Iran) – Parviz Jahed (Iran) –  Pedram Khosronejad (Iran) –  Yves de Peretti (France) –  Soheil Sepahpour (France-Iran) –  Hossein Tahéridoust (Iran) –  Mehran Tamadon (Iran)

et plus particulièrement à : Thérésa  Battesti (France) – Antoine Chech (France) webmaster – Jean-Paul Colleyn (Belgique) –  Franz Manni (Italie) – Jean-Claude Penrad (France) –  Martine Zack (France)

Mercredi 20 Octobre
De 14h00 à 18h30 : Premières images et nomadisme

1928 –  Perse la fabrication du pain –  Gaumont Pathé archives – 1’–  Vidéo
Distribution : Gaumont Pathé archives ; Manuela Padoan ; tél. : 33 (0)1 49 48 15 04 ; fax : 33 (0)1 49 48 15 10 ; e-mail : mpadoangaumontpathearchives.com
Du foulage du blé par les boeufs  jusqu’à la cuisson du pain en Perse.

1933 – La Croisière jaune – Léon Poirier (France) – extrait –  Vidéo
Images de la traversée de l’Iran par l’expédition Citroën, depuis la frontière de l’Irak à celle de l’Afghânistân.

1925 –  Grass : a Nation Battle for Life – Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack (USA) – 62’–  Beta SP
Distribution : SFAV ; Thierry Roche ; tél. : 33 (0)3 22 82 73 98 ; e-mail : sfavu-picardie.fr
Bloqués au Khuzistan, en 1924, à cause de la situation politique agitée du Sud de l’Iran, les réalisateurs eurent la chance de rencontrer les nomades Bakhtyâri.

1963 – Flaming Poppies – Shafti Hushang (Iran) – 23’–  16 mm
Contact : Comité du Film Ethnographique ; Françoise Foucault ; tél. : 33 (0)1 47 04 38 20 ; fax : 33 (0)1 45 53 52 82 ; e-mail : cfemnhn.fr
Un des premiers documentaires iraniens sur la migration annuelle des Bakhtyâri entre plaine et montagne.

1994 – Nomaden der Lange Treck der Bachtiari – Un peuple nomade, la migration des Bachtiari – Mehran Bozorgnia (Iran)–  44’ – Beta SP
Distribution : ARTE ; Béatrice Aullen ; e-mail :b-aullenarte-tv.com
L’été approche, les Bakhtyâri quittent leur campement d’hiver pour entreprendre leur migration saisonnière.

1997 –  Ameneh, une amitié nomade – Soheil Sepahpour (France-Iran) – 20’–  Beta SP
Distribution : Soheil Sepahpour – tél. : 33 (0)1 42 07 15 66 –
e-mail : soheil.sepahpourwanadoo.fr
Au cours d’un voyage au centre de l’Iran, le réalisateur rencontre Ameneh une jeune nomade.

À 20h30 : Nomadisme

1973 –  People of the Wind – Anthony Howarth et David Koff (USA) – 108’–  Vidéo
Le film suit la migration annuelle de la tribu Babadi, groupe Bakhtyâri du sud de l’Iran, à travers la chaîne du Zagros.

Jeudi 21 octobre
De 14h00 à 18h30 : Nomadisme

1960 – Strings of Wool – 10’– 16mm
Contact : Comité du Film Ethnographique ; Françoise Foucault ; tél. : 33 (0)1 47 04 38 20 ; fax : 33 (0)1 45 53 52 82 ; e-mail : cfemnhn.fr
Au milieu des troupeaux et de leurs bergers, nous assistons à la fabrication de tapis.

2004 – Kecheh – Ali Reza Jahanifar (Iran) – 13’– Vidéo
Contact :  Christiane Guillaume ; tél. : 33 (0)1 40 86 30 60 ; fax :33 (0)1 40 86 30 60 ; e-mail : guilkerendaol.com
À la frontière de l’Iran et du Turkmenistan, un groupe de femmes nomades fabriquent un tapis en feutre de laine de mouton.

2002  –  Les Nomades du Zagros –  Éric Bacos (France) – 52’– Beta SP
Distribution : Ananda production ; tél. : 33 (0)1 46 99 90 70 ; fax : 33 (0)1 46 99 90 71 ; e-mail : phil_ultrasporthotmail.com
Une vision inhabituelle de l’Iran, sur la vie des Nomades Bakhtyâri en voie de disparition, en plein centre des montagnes du Zagros. Satar Nassiri est aujourd’hui sédentaire, il défend ce mode vie proche de la nature.

2004 – The Last Lions of Bakhtiyari – Pedram Khosronejad (Iran) – 25’–  Beta SP
Distribution : CNRS Images ; Catherine Balladur ; tél. : 33 (0)1 45 07 56 88 ; e-mail : catherine.balladurcnrs-bellevue.fr
Funérailles rituelles dans la tribu des Bakhtyâri en Iran. Les grands héros pouvaient ériger leur pierre tombale en forme de lion, comme témoignage de leur courage. Aujourd’hui, ils n’ont plus de grands héros ou chef, seules les tombes témoignent des héros du passé.

2004 – Chronique nomade –  Soheila Haghdoost (Iran) – 10’–  Vidéo
Contact : Soheila Haghdoost ; tél. : 33(0)1 43 37 11 89
Chronique de voyage chez les Quashkai de la région Fars.

.2000 –  Iranian Journey – Maysoon Pachachi (Irak) – 54’ – Beta SP
Distribution : ARTE ; Béatrice Aullen ; e-mail :b-aullenarte-tv.com
Voyage de Téhéran à Bandar Abbas, en compagnie, de la première femme iranienne conductrice d’autobus.

À 20h30 : Portraits d’iraniennes

1999 – Mokarrameh, et soudain elle peint –  Ebrahim Mokhtari  (Iran) –  48’–  Beta SP
Distribution : Play Film ; Mahmaoud Chokrollahi ; tél. : 33 (0)1 47 70 81 72; fax : 33 (0)1 47 70 44 94 ; e-mail :playfilmaol.com
Une femme possédait une vache à laquelle elle vouait une grande tendresse. Un jour, ses enfants ont décidé de vendre l’animal sans la prévenir. Une grande tristesse s’est emparée d’elle et, pour conjurer ce sentiment, elle s’est mise à peindre sur tous les supports qu’elle pouvait trouver : les murs de sa maison, des citrouilles, la porte du frigidaire…

2004 –  Bahasht Zahra – Mères de martyrs – Mehran Tamadon (Iran) – 54’–  Beta SP
Distribution : Mehran Tamadon ; tél. : 33 (0)1 47 97 05 83 ; e-mail : mehrantanyahoo.com
Le jeudi est le jour pour se rendre au cimetière situé à plusieurs dizaines de kilométres de Téhéran, c’est en ce lieu, que les mères des « martyrs » de la guerre Iran-Irak se retrouvent, parmi elles quelques unes viennent depuis vingt-deux ans.

Vendredi 22 octobre
De 14h30 à 18h30 : Ta’zieh

1969 – Tazieh Hor –  Hossein Tahéridoust (Iran) – 30’–  16 mm
Contact : Hossein Tahéridoust ; tél. : 33 (0)6 33 36 74 55
Représentation populaire et religieuse de la rencontre de Hor avec l’Imam Hossein et de sa mort.

1970  –  Arbaïn – Nasser Taghvai (Iran) – 20’–  Beta SP
Distribution : Play Film ; Mahmaoud Chokrollahi ; tél. : 33 (0)1 47 70 81 72; fax : 33 (0)1 47 70 44 94; e-mail :playfilmaol.com
Pendant le mois de Moharram, la ferveur religieuse du peuple iranien se manifeste au cours des cérémonies de deuil qui marquent l’anniversaire du martyre de l’Imam Hossein.

1972 –  Le Ta’zieh – théâtre rituel en Iran – Jean Baronnet (France) – 50’–  Beta SP
Distribution : ARTE ; Sophie Jolly ; e-mail :s-jollyartefrance.fr
Dans la province d’Ispahan, est commémoré le martyre du prophète Hossein durant dix jours à travers le théâtre rituel du Ta’zieh (deuil).

1978-79 – Ta’zieh – Hossein Tahéridoust (Iran) – 72’–  16 mm
Contact : Hossein Tahéridoust ; tél. : 33 (0)6 33 36 74 55
Représentations théâtrales et religieuses des dix derniers jours de la vie de l’Imam Hossein.

2001 –  Achoura – Christiane Guillaume (France) – 26’–  Beta SP
Distribution : Christiane Guillaume ; tél. : 33 (0)1 40 86 30 60 ; fax :33 (0)1 40 86 30 60 ; e-mail :guilkerendaol.com
« Achoura » montre la complexité du caractère des jeunes Iraniens qui aiment écouter la musique venue d’ailleurs tout en conservant le goût pour leurs traditions.
Le film tente de nous expliquer, par des interviews entrecoupées de cérémonies telles que « sine zanin », « zangir », « tazieh », pourquoi ces jeunes Iraniens restent fidèles aux traditions religieuses, notamment  à l’Achoura qui commémore le martyre du troisième imam chiite, Imam Hossein.

À 20h30 : Ta’zieh

1997 –  La Passion de l’Imam Hossein –  Soheila Haghdoost (Iran) – 52’–  Beta SP
Contact : Soheila Haghdoost ; tél. : 33 (0)1 43 37 11 89
Commémoration du drame, de l’Imam Hossein, un des mythes fondateurs de l’Islam chiite et de la Perse moderne célébré chaque année en Iran, lors des fêtes de l’Ashourâ, où se mêlent rassemblements autour du catafalque de l’Imam, processions de flagellants et représentations théâtrales (ta’zieh).

2000 – Ta’zieh : Another Narration – Parviz Jahed (Iran) – 75’–  Vidéo
Distribution : IFVC ; PO box 1012 ; Washington TWP NJ07676 ; USA ; tél. : 1 201 666-6772 ; fax : 1 201 6641426 ; e-mail :ifvcifvc.com
Interprétation traditionnelle et religieuse de la bataille de Kerbala et du martyre de l’Imam Hossein.

Samedi 23 octobre
De 14h00 à 18h30 : Rituels

1969 –  Le Vent du Djinn – Nasser Taghvai (Iran) – 21’–  Beta SP
Distribution : Robert Richter ;  tél. : 41 31 371 32 72 ; fax : 41 31 371 12 61 ; e-mail : robert.richterdatacomm.ch
Dans le sud de l’Iran, une ancienne croyance dit que le « vent du Djinn » influe sur la vie des gens, les dispersant à travers le monde, ce qui provoque beaucoup d’émigrations.

1971 – Aza Dari – Porter le deuil –  Hossein Tahéridoust (Iran) – 24’–  16 mm
Contact : Hossein Tahéridoust ; tél. : 33 (0)6 33 36 74 55
Cérémonie de deuil au son des chants interprétés par les hommes et les femmes.

1973 –  The Dervishes of Kurdistan – Brian Moser (Royaume-Uni) – 52’–  Vidéo
Cérémonies et vie quotidienne de la secte des Derviches Quadiri au village de Baiveh à la frontière de l’Irak.

1973 –  O Protecteur des gazelles – Parviz Kimiavi (Iran) – 25’–  16 mm
Distribution : Robert Richter ;  tél. : 41 31 371 32 72 ; fax : 41 31 371 12 61 ; e-mail : robert.richterdatacomm.ch
Visite rituelle au mausolée de l’Imam Reza, huitième imam chiite, dans la ville sainte de Mashad.

1975 –  Aza-e Sorgh –  Hossein Tahéridoust (Iran) – 72’ –  Beta SP
Contact: Hossein Tahéridoust ; tél. : 33 (0)6 33 36 74 55
« Maîtres fous » iraniens.

À 20h30 : Musique

2003 – Darvich – Le Musicien du village – Ali Badri (Iran) – 75’ – Beta SP
Distribution : ACCAAN ; tél. : 33 (0)2 31 84 32 77 ; e-mail : infoaccaan.com
Après vingt ans d’absence, le réalisateur retourne en Iran pour retrouver Darvich un vieux musicien qui enchanta son enfance.

2003 – Hâl – Yves de Peretti (France) – 54’–  Beta SP
Distribution : Play Film ; Mahmaoud Chokrollahi ; tél. : 33 (0)1 47 70 81 72; fax : 33 (0)1 47 70 44 94; e-mail :playfilmaol.com
Transmettre la musique, mais « de poitrine à poitrine », et cela requiert de grandes qualités de cœur et d’âme.

Dimanche 24 octobre
De 14h00 à 19h00 : Musique

1960 – Les Zourhanes – Charles Brabant  (France) – 10’–  Vidéo
Distribution : Gaumont Pathé archives ; Manuela Padoan ; tél. :33 (0)1 49 48 15 04 ; fax : 33 (0)1 49 48 15 10 ; e-mail : mpadoangaumontpathearchives.com
Reportage sur les gymnastes sacrés à la gestuelle issue de traditions militaires ancestrales.

1964 – La Fosse sacrée – Hagir Dariush (Iran) – 15’–  16 mm
Contact : Comité du Film Ethnographique ; Françoise Foucault ; tél. : 33 (0)1 47 04 38 20 ; fax : 33 (0)1 45 53 52 82 ; e-mail :cfemnhn.fr
La « Maison de la force », un haut lieu de la culture sportive traditionnelle iranienne aux sons des tambours et des chants.

1971 – The Rythm – Hossein Tehrani and his Drum – Manuchehr Tayyab (Iran) – 8’ – 16 mm
Contact : Comité du Film Ethnographique ; Françoise Foucault ; tél. : 33 (0)1 47 04 38 20 ; fax : 33 (0)1 45 53 52 82 ; e-mail : cfemnhn.fr
Un classique du documentaire iranien, sur le rythme de la musique d’Amir Hossein Tehrani.

2000 – Daf –  Soheil Sepahpour (France-Iran), Pierre Fleurantin  (France) – 13’–  Beta SP
Distribution : Soheil Sepahpour ; tél. : 33 (0)1 42 07 15 66 – e-mail : soheil.sepahpourwanadoo.fr
Le Daf , tambour sur cadre,  est l’instrument sacré des derviches du Kurdistan. Il est utilisé lors des rituels soufis pour amener les participants à la transe et à l’extase.

2002 –  Plectrums of Love – Majid Hamidiani et Amir Hossein Zamankhani (Iran) – 20’–  Vidéo
Distribution : Majid Hamidiani ; tél. et fax : 33 (0)3 20 51 27 52 ; e-mail : majid.hamidianwanadoo.fr
C’est un vieil homme, un paysan qui a eu une vie dure, pourtant transcendée par l’amour qui l’illumine quand il joue de son dotar, le luth traditionnel.

2003 – À fleur de peau, le monde musical de Dariush Zarbafian –  Marc Oriol (France) – 55’–  Beta SP
Distribution : K Production ; Etienne Miolan ; tél. : 33 (0)5 34 31 55 50 ; fax : 33 (0)5 34 31 51 86 ; e-mail : kprod00wanadoo.fr
Entre Toulouse et Téhéran, portrait d’un homme (Dariush Zarbafian), et voyage dans son univers musical.

2002 –  Nour – Lumières et voix dans les églises d’Iran – Bahman Kiarostami (Iran) – 39’–  Beta SP
Distribution : Les Films du requin ; Cyriac Auriol ; tél. : 33 (0)1 43 87 15 62 ; fax : 33 (0)1 43 87 34 72 ; e-mail : lesfilmsdurequinnoos.fr
Quand le cœur des églises d’Iran vibre aux sons des polyphonies du Moyen-âge et de la Renaissance européens.

1994 – Abbas Kiarostami , vérités et songes – Jean-Pierre Limosin –52’–  Beta SP
Distribution :  Amip Productions ; tél. : 33 (0)1 48 87 45 13 ; fax : 33 (0)1 48 87 40 10 ;
e-mail : amipamip-multimedia.com
Pour ce documentaire tourné en Iran, Abbas Kiarostami parcourt en voiture les paysages qu’il a filmés et rencontre les acteurs qui ont joué dans ses films.

Programme établi sous tout réserve

NOMADES D’IRAN, NOMADES MÉCONNUS

Les ambitions modernistes du chah hier, les visées révolutionnaires de la République islamique aujourd’hui, ont fait oublier que l’Iran est aussi un grand pays rural. C’est notamment l’État du monde où les nomades sont les plus nombreux — plusieurs millions — et où leur rôle économique — ils assurent le tiers de la production nationale de petit bétail — et leur poids politique — du fait de leur organisation en tribus — sont les plus importants.
Pourtant, force est de constater que ces nomades restent en grande partie méconnus en Occident : qui dit « nomades » pense généralement Touaregs du Sahara ou Bédouins d’Arabie, c’est-à-dire chameliers du désert. Or, il n’y a pas, en Iran, de nomadisme de désert. En raison de ses origines centre-asiatiques au XIIIe siècle, le nomadisme iranien est en effet un nomadisme montagnard. Mais il s’agit bien, ici, de nomadisme car tout le groupe se déplace, à la différence de ce qui se passe dans la transhumance, où les troupeaux, appartenant généralement à des sédentaires, sont accompagnés des seuls bergers.
Cette localisation dans les montagnes entraîne, de proche en proche, toute une série de conséquences. Les principaux déplacements s’effectuent au printemps et en automne, selon des itinéraires invariables, entre un estivage situé en altitude et un hivernage sur les piémonts. Ici et là, les nomades installent leurs campements aux mêmes endroits, fixés par l’usage. Malgré les difficultés du terrain, ces déplacements permettent aux nomades d’échapper au froid qui sévit l’hiver en altitude et à la chaleur et à la sécheresse qui sont la règle en plaine pendant l’été. C’est pourquoi chaque nomadisation est généralement attendue avec impatience et s’effectue dans la gaieté : elle représente une transition vers des jours meilleurs et un nouvel environnement, plus favorable, une rupture momentanée avec la routine ; elle est l’occasion de rencontres et de visites inhabituelles, s’accompagne de festivités (mariages) et correspond à un regain de sociabilité.
L’habitat montagnard et sa relative richesse permettent des densités de population que n’autorisent pas les déserts. Alors que les plus grandes tribus bédouines arabes comptent rarement plus d’une dizaine de milliers de personnes, les grandes confédérations iraniennes comme les Bakhtyâri ou les Qashqâ’i dépassent le demi million de membres. Les tribus iraniennes présentent en outre une chefferie — les khân — plus centralisée et hiérarchisée. À l’époque moderne, les chahs se sont souvent déchargés de l’administration des provinces sur les khân des tribus, renforçant ainsi leur pouvoir ; en retour, il est arrivé à maintes reprises que des khân s’opposent aux chahs voire même s’emparent du trône (telle est notamment l’origine des dynasties safâvide, Zand et Qâjâr).
Aujourd’hui, et même si les structures tribales sont encore vivaces, les seules unités qui fonctionnent au quotidien sont celles, comme les campements ou les clans, où les liens de parenté fondent une solidarité territoriale et une coopération effective dans les activités vivrières : garde, tonte, traite du petit bétail, utilisation des animaux de travail (équidés chez les Bakhtyâri, camélidés chez les Qasqâ’i) semailles et moisson de blé et d’orge, tissage de tapis et des tentes en poil de chèvre noir, corvées d’eau et de bois, fabrication du pain et des laitages (yaourt et beurre fondu) qui constituent la base de l’alimentation, etc.
Activité principale des nomades, l’élevage repose avant tout sur une connaissance fine et approfondie du milieu naturel et du comportement des animaux, connaissance dont les dépositaires et les agents sont des personnels spécialisés : palefreniers, bouviers, chevriers, bergers. Ces derniers surtout sont investis d’une lourde responsabilité, en raison du nombre et de la valeur des moutons, et aussi parce que ces animaux passent plusieurs mois par an sur des pâturages éloignés des campements sous leur garde et celle de leurs chiens – de solides et agressifs chiens de défense.
Le savoir du berger se transmet oralement et par la pratique. C’est un apprentissage qui doit commencer très tôt, dès huit ou neuf ans. Les bons bergers sont d’autant plus recherchés qu’ils deviennent rares, en partie du fait des progrès de la scolarisation, qui contribuent à détourner les enfants des activités traditionnelles, en partie aussi à cause des conditions de vie extrêmement isolées et inconfortables que ce travail impose et qu’un salaire relativement élevé pour la société Bakhtyâri (généralement 10 % du croît annuel du troupeau en agneaux mâles plus divers avantages en nature) ne suffit pas à compenser.
Les nomades d’Iran ont été durement affectés par les campagnes de sédentarisation plus ou moins brutales menées à leur encontre par les deux derniers chahs, Rezâ (1925-1941) et son fils Mohammad Rezâ (1941-1979).
Les premières années de la République islamique furent marquées, en revanche, par deux phénomènes contradictoires : en même temps que les nomades retrouvaient leur liberté de mouvement et un élevage florissant (du fait d’une forte demande en viande consécutive à l’arrêt des importations), on enregistra un mouvement de sédentarisation spontanée d’une ampleur sans précédent, sans doute dû à une large diffusion, par les médias modernes, de l’idéal de vie citadin : pour la première fois, la vie sédentaire est apparue aux membres des tribus comme plus attrayante que la vie nomade.
Mais à partir de l’été 1988, l’épuisement des pâturages consécutif à l’essor de la production pastorale a entraîné un retour aux anciens « remèdes » — terres non cultivées placées sous administration de l’État, limitation de l’élevage, incitation à l’agriculture sédentaire, etc. — ainsi qu’aux erreurs du passé — l’épuisement des pâturages est moins l’effet du nomadisme que celui des politiques anti-nomades, et que les bonnes solutions passent, non par l’interdiction du nomadisme, mais par celle de l’agriculture qui réduit la surface de pacage tout en restant très peu productive.
En matière de nomadisme comme de transhumance, il faut se garder de deux attitudes également erronées : une attitude romantique, qui idéalise les élevages extensifs, alors que ceux-ci supposent des modes de vie très durs, que tout le monde n’est pas à même de supporter, et une attitude faussement rationaliste, qui voit en eux des survivances d’époques révolues, alors que, bien contrôlés, ils peuvent au contraire rendre d’énormes services, au moment où l’on commence à mesurer l’étendue des méfaits de la recherche de la productivité à tout prix. En l’absence, pour l’instant, de véritable solution de remplacement, le nomadisme demeure, dans de nombreuses régions d’Iran, la seule formule technique permettant de maintenir l’élevage à un niveau de productivité en harmonie à la fois avec les moyens disponibles et avec les besoins.
Le genre de vie des nomades d’Iran et les somptueux paysages qui en constituent le décor n’ont pas manqué d’attirer les cinéastes, iraniens et étrangers. Depuis Grass, tourné chez les Bakhtyâri en 1924 par Merian Cooper — véritable conte épique qui annonce King Kong —, jusqu’aux documentaires modernes, peut-être moins inspirés, mais plus soucieux d’exactitude, toutes ces œuvres offrent autant de témoignages qui, par leur diversité, montrent une fois encore qu’aucune société n’est immobile et que, comme disait Arthur Schopenhauer, « le seul élément permanent, c’est le changement ».

Jean-Pierre DIGARD
Directeur de recherche au CNRS – (UMR 7528/Monde iranien, Ivry)