La volonté de préserver le temps
Majan Garlinski1
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Résumé
Lors du troisième Bilan du film ethnographique, en 1984, consacré au thème du
«Temps», j’ai commencé à m’intéresser à l’anthropologie visuelle. En suivant le fil
rouge du temps, j’essaie d’évoquer quelques-uns des aspects de l’anthropologie
visuelle sur lesquels je me penche : les questions posées par les projections de
documentaires réalisés par des Occidentaux ou par des «Autochtones», les
installations vidéo dans les musées d’ethnographie, le passage de l’analogique au
digital et de ses effets sur la mémoire. Ces préoccupations, ainsi que les mesures à
prendre pour la conservation, l’inventaire informatisé, la mise en valeur et la mise en
ligne sur Internet des collections audiovisuelles font partie de l’anthropologie visuelle,
au même titre que les rapports entre mots et images, entre anthropologie verbale et
visuelle, au temps désormais advenu où les descriptions ethnologiques, par exemple
la claire dénomination des ethnies, pour ne prendre que cet exemple controversé,
deviennent de plus en plus problématiques.
Texte
Dans la vie humaine, on devient adulte à 25 ans. Pour ce qui concerne les festivals
de films, leur maturation est plus rapide, en revanche ils restent généralement jeunes
plus longtemps. Pour ses 25 ans, le Bilan du film ethnographique se trouve dans une
phase fantastique, où l’expérience de l’âge et la curiosité de la jeunesse forment un
mélange détonnant. Par pure coïncidence, j’ai commencé moi-même à m’intéresser
à l’anthropologie visuelle il a y 23 ans. Et c’est en 1984 que j’ai pris part pour la
première fois au Bilan, un peu par hasard, alors que j’étais allé à Paris dans un autre
but, assister au festival du Cinéma du Réel. C’était la troisième édition du Bilan,
consacrée, comme certains d’entre vous s’en souviennent, au thème du «Temps». Je
vais essayer, en suivant le fil rouge du temps, d’évoquer quelques aspects de
l’anthropologie visuelle sur lesquels je me penche.
Permettez-moi pour commencer de faire une longue citation de Jean Rouch
retrouvée dans le programme de cette troisième édition mémorable.
«Jean Epstein fut le premier à découvrir que le cinéma était le seul art permettant de
faire varier la constance invariable du temps. Dès 1928, il prophétisait : ”Si l’on fait
varier le temps, un objet devient un événement”. C’est la raison pour laquelle nous
ouvrirons nos projections par le classique Le Tempestaire de Jean Epstein (1948) et
que, au fil des jours, du calendrier des fêtes, des rituels où passe le Malin, jusqu’à
l’immortalité de l’Éternel au féminin, nous serons à la quête d’un temps perdu dont
nous ne retrouverons la rigueur que dans le temps réel du ‘”plan-séquence”.
C’est dire que nous attendons de cette nouvelle confrontation ”Ethnographie-cinéma”
une inquiétude fertile semblable aux conseils que Paul Klee donnait à ses étudiants
du Bauhaus dans les années 1920: ”Il faut rester en éveil, être ouvert, être devant la
vie comme devant un enfant qui se lève, un enfant de la création du créateur…”»
(Jean Rouch, Troisième Bilan du film ethnographique, programme, Paris, 1984).
En relisant le programme de 1984 et en le confrontant à la liste des films passés ces
derniers temps au Bilan du film ethnographique, je prends une fois de plus la mesure
des changements considérables survenus au cours des 23 années écoulées dans
les perspectives et surtout dans le contexte de notre discipline. Beaucoup des films
montrés alors apparaissent, dans leur forme et leur contenu, comme aplatis par le
temps. C’est le cas, par exemple, de Eipo (West-Neuguinea, Zentrales Hochland) –
Herstellen von Nasenstäben aus Kalzit (Arbeitssituation in der Gruppe) de Franz
Simon et Wulf Schiefenhövel. D’autres films, en revanche, n’ont perdu, en dépit du
temps passé, que peu ou pas du tout de leur attrait cinématographique et de leur
sens, comme par exemple Les chemins de Nya de Jean-Paul Colleyn et Jean-
Jacques Péché ou Dix minutes de silence pour John Lennon de Raymond Depardon.
Dans le film Eipo où, selon le programme, «à partir d’un morceau de calcite, un
homme taille une baguette destinée à la décoration nasale», un commentaire
didactique continu recouvre les images, elles-mêmes en partie coupées de leur
contexte. C’est comme s’il s’agissait d’un reportage radiophonique qui dit tout sans
livrer, ne serait-ce qu’en sous-titres, la traduction des paroles des sujets filmés, les
Eipo.
Comment le film de Jean-Paul Colleyn et Jean-Jacques Péché se distingue-il du
précédent ? Les deux auteurs des Chemins de Nya ont tourné chez les Minyanka du
Mali un documentaire sur un culte de possession et ont dressé un portrait de ses
protagonistes. Ce documentaire «soulève trois problèmes majeurs de I’anthropologie
religieuse: la possession, la notion de ”fétiche” et la ”sorcellerie”» (Jean-Paul Colleyn,
1988 :17). Non seulement on peut y lire en sous-titres les propos des participants au
culte, mais le commentaire off s’articule de manière si discrète au propos du film que
le spectateur peut concentrer toute son attention sur les images et les sons on. Le
«langage» cinématographique, à la fois dense et sobre, crée au montage un
contexte qui va au-delà du rituel proprement dit et nous transmet, à nous qui
sommes restés chez nous, une impression vivante de la culture vécue par les
Minyanka.
Plus retenu encore nous apparaît le film de Raymond Depardon. Dans son court-
métrage Dix minutes de silence pour John Lennon – bien entendu sans aucun
commentaire off –, il filme en plan-séquence à Central Park (New York), au
lendemain de sa mort, dix minutes de silence à la mémoire de l’artiste assassiné. En
nous offrant ce témoignage émouvant d’un deuil collectif, le photographe Depardon,
devenu cinéaste documentaire, réalise sans le savoir le postulat de Malinowski : de
l’observation participante. Dans le plan-séquence en question se manifeste un geste
cinématographique qui a – en particulier ici – une grande affinité avec l’instantané
photographique, puisque le temps filmique y constitue, sans coupure, une séquence
du temps réel.
L’avènement de la vidéo a pu inciter les ethnographes cinéastes à accorder un rôle
majeur au plan-séquence, même très long, en particulier dans la recherche d’une
exigence holistique. Pourtant, la compréhension de la totalité d’un phénomène reste
un idéal et la totalité de la représentation d’un événement demeure illusoire, puisque
l’une et l’autre postulent non seulement une simultanéité de l’événement et de la
représentation, mais encore une multiplicité de points de vue et de perspectives.
Tous ceux qui ont assisté à des projections de vidéos familiales sans prétention
savent bien quel ennui suscite immanquablement une prise de vue de longue durée
mal comprise. Les images bredouillent et s’effilochent. Un plan-séquence abouti,
riche tant dans sa forme que dans son contenu, oppose à cette dilution l’exigence
d’une très grande concentration artistique puisque tout un film doit s’inscrire alors
dans l’instantanéité du temps réel.
Je trouve dans chacun des trois films que je viens d’évoquer – comme d’ailleurs dans
la plupart des films documentaires – une volonté de préserver le temps. Le temps est
arrêté et reste gravé dans la mémoire en concentré. Cependant, les trois films
appartiennent au moins à deux tendances cinématographiques différentes, qui se
laissent déjà déduire en partie des titres eux-mêmes. Tandis qu’Eipo (West-
Neuguinea, Zentrales Hochland) – Herstellen von Nasenstäben aus Kalzit
(Arbeitssituation in der Gruppe) peut être défini comme un film plutôt «scientifique»,
dans le lequel le contenu prime sur la forme et qui s’adresse d’abord à un public
spécialisé, je vois dans Les chemins de Nya et Dix minutes de silence pour John
Lennon un équilibre entre la forme et le contenu et un objectif de partage avec un
public a priori non défini. Le Bilan du film ethnographique a le mérite de s’être efforcé
de nous présenter toujours à la fois ces deux tendances.
Entre temps, c’est-à-dire entre 1984 et maintenant, une troisième tendance s’est
imposée à mon attention, tant au Bilan que dans mon propre travail. Si, pendant
longtemps, nous avons présenté des documents audiovisuels réalisés par des
ethnographes ou documentaristes occidentaux, je constate que je projette désormais
de plus en plus souvent des documentaires réalisés par les «Autochtones» eux-
mêmes. Ce regard de l’intérieur ne veut et ne peut pas remplacer celui de l’extérieur,
mais il le complète en enrichissant notre perception du monde. Il va de soi que les
sujets traités dans ces films ont évolué avec l’évolution des sociétés. Permettez-moi
de mentionner, comme exemple de cette tendance, le Forum d’anthropologie visuelle
– Projections Indiennes, que nous avons présenté à Genève en 2005. Ce Forum
entendait défendre une certaine vision de l’ethnographie : une vision refusant de
réduire l’autre au rang d’objet de curiosité et cherchant au contraire à lui restituer le
statut de sujet, de producteur de représentations et d’interlocuteur à part entière.
Vingt films proposaient des incursions dans des sphères aussi variées que les loisirs
en mutation, les tensions communautaires, les incertitudes économiques, les
réseaux formés dans les diasporas ou les rapports sans cesse reconfigurés
entretenus entre hommes et femmes, individus et groupes, art et société ou encore
entre mémoire et histoire. Plus de la moitié de ces films provenait d’Inde.
L’année précédente, en 2004, nous étions allés plus loin en expérimentant au Musée
d’ethnographie de Genève une présentation des installations vidéo dans le cadre de
la manifestation Another Passage to India. S’il est normal de voir dans un musée
d’ethnographie des peintures et des films, il est plus rare d’y découvrir des
installations vidéo, qu’on s’attend plutôt à croiser dans les musées d’art contemporain
qui les ont mises à la mode. Néanmoins, il faut se rappeler que les ethnographes de
terrain ont été parmi les premiers à utiliser les nouveaux moyens techniques de leur
époque, comme l’enregistrement du son, l’appareil photographique ou la caméra 16
mm avec son synchrone. Et ce sont des ethnologues anglais qui ont réalisé dans les
années 80 un des premiers produits multimédia. Il était donc en fin de compte assez
normal de déployer aussi dans un Musée d’ethnographie des installations vidéo. Le
caractère exceptionnel de la manifestation Another Passage to India était ailleurs :
dans le fait que des «Autochtones» présentaient eux-mêmes, sans recours direct à
l’ethnographe occidentale, des interprétations individuelles de leur culture à travers
leurs œuvres artistiques.
Ces installations vidéo ont été sélectionnées et finalisées par Pooja Sood,
commissaire d’expositions à Dehli. Si le rôle principal d’un musée d’ethnographie
était autrefois de présenter l’autre à travers ses artefacts, plus tard de lui donner la
parole, aujourd’hui, on lui accorde en plus, de l’espace et du temps pour s’exprimer
pour ainsi dire en direct, même si les circonstances n’ont pas permis que leurs
auteurs fussent présents lors des projections. Les installations vidéo, à mi-chemin
entre objet et cinéma, s’inscrivent dans un temps et un espace concret et demandent
une vision et une lecture particulière. Ce sont des objets témoins d’une culture,
produits par des acteurs contemporains dans une technique contemporaine, qui
racontent leur propre histoire, expriment leurs propres analyses, traduisent leurs
propres regards sur leur culture. Pooja Sood a présenté Another Passage to India
comme étant «à la fois un voyage intime au cœur des territoires du mythe et du
rituel, de la fragilité des corps, de la séduction et de la sexualité, et un regard
provoquant porté sur les problèmes éminemment politiques de la violence urbaine,
de la dégradation du paysage des villes et de la culpabilité morale en temps de
guerre».
D’un côté, à l’ère d’Internet et de la téléphonie vidéomobile, bref de la mise à
disposition, n’importe où et n’importe quand, d’informations des genres les plus
variés, on pourrait imaginer que les cinémas, comme lieux d’inspiration collective
riches en traditions, soient amenés à fermer leur porte. Les festivals, comme le Bilan
du film ethnographique, ou encore les projections vidéo et cinématographiques,
comme celles que nous proposons régulièrement au Musée d’ethnographie de
Genève, nous convainquent décidément du contraire : ils sont bien fréquentés et leur
écho est d’autant plus grand que les projections sont suivies de débats avec les
réalisateurs.
D’un autre côté, nous ressentons déjà les conséquences du changement
paradigmatique apparemment tenace qui survient depuis quelques années avec le
passage de l’analogique au digital. Précisément parce que beaucoup d’utilisateurs se
sont d’ores et déjà habitués au fait que les informations sont disponibles sur Internet
et négligent ainsi de plus en plus les autres sources d’information, il devient plus
important pour nous de tenir à jour l’inventaire de nos collections et de nos archives
et de faciliter, voire de promouvoir leur accès. En effet, à la longue, ce qui ne peut
pas être retrouvé par les machines de recherches digitales sortira de la mémoire
collective et n’existera plus.
Dans les années 90, j’ai constitué, en tant qu’assistant de Michael Oppitz au
Volkerkundemuseum de Zurich, une nouvelle collection de vidéos riche de 1800
titres, dont j’ai dressé au fur et à mesure le catalogue informatisé. Au même moment,
mon collègue Dario Donati travaillait au catalogage informatisé de la collection
photographique de l’institution. Je suis attelé depuis quelque temps à la même tâche
au Musée d’ethnographie de Genève, avec cette différence sensible que nous nous y
trouvons confrontés à une accumulation ancienne d’innombrables documents visuels
et audiovisuels jamais répertoriés. À la suite du déménagement de l’ensemble des
objets de nos collections dans un nouveau dépôt, ceux-ci ont ressurgi au jour et dans
la conscience des conservateurs après des années de relatif enfouissement. Ils
étaient, au mieux, recensés de manière rudimentaire sur des fiches, au pire,
simplement conservés en stock au gré des arrivages. Il faut citer les documents
iconographiques comme les estampes, mais aussi une très abondante et riche
collection de photographies historiques, les archives du Musée proprement dites qui,
à part les écrits, contiennent aussi des photographies collées sur des papiers
(évidemment acides), enfin, en moindre quantité, des films et des vidéos.
L’état dans lequel nous avons retrouvé ces documents visuels reflète d’une manière
impressionnante la moindre valeur accordée par les ethnologues aux sources
iconographiques. On s’en est servi pendant des décennies sans leur porter l’attention
et le soin réservés aux sources écrites. Ce n’est pas hasard que l’anthropologie
visuelle a dû ajouter un adjectif à une anthropologie purement verbale, à l’aise dans
ses propres discours mais défiante à l’égard des images.
Oppitz a décrit cette situation avec beaucoup d’acuité dans son livre Kunst der
Genauigkeit (1989). «Les universitaires se méfient, explique-t-il, des expressions
anthropologiques n’opérant pas exclusivement avec des mots. L’idée d’une
opposition entre expression verbale et picturale en anthropologie peut être mise en
relation avec l’idée que, par nature, les productions visuelles sont inférieures en
valeur aux créations verbales, que les premières ne servent qu’à se distraire
superficiellement, tandis que les secondes, plus sérieuses, sont au service des
progrès de la connaissance» (Oppitz, 1998 : 12). Oppitz rappelle qu’il n’en a pas
toujours été ainsi: «Pendant plusieurs siècles, l’anthropologie visuelle et
l’anthropologie verbale ou textuelle ont été considérées comme des partenaires
égales dans l’établissement d’une ethnographie descriptive» (idem : 13). Il tient pour
acquis que l’anthropologie visuelle inclut tous les médias présents et passés qui
fournissent en images des informations sur les sociétés. En ce sens, les
changements paradigmatiques évoqués ci-dessus apportent une correction attendue
depuis longtemps aux rapports entre mots et images. Les documents visuels sont
enfin catalogués en informatique et mis en évidence au Musée d’ethnographie de
Genève, encore qu’avec un minimum de personnel. Toutefois, dans l’euphorie des
performances de l’image digitale, un nouveau risque pointe aussitôt : que l’on néglige
de prendre les mesures conservatoires adéquates envers les images analogiques,
autrement dit envers nos originaux, et qu’on les laisse tomber dans l’oubli.
En ce qui concerne les collections de films et vidéos dont je m’occupe en ce moment,
ce sont les soi-disant originaux – en fait des copies que le Musée a légalement
acquises – qui font l’objet de nos préoccupations conservatoires. D’un côté, comme
vous le savez, les cassettes vidéo n’ont une durée de vie que d’environ quinze ans.
Périodiquement, nous devrions donc en acheter de nouvelles copies auprès des
distributeurs, ce qui coûterait beaucoup d’argent et serait absurde, encore que
légalement correct. Ou nous devrions tirer nous-mêmes une nouvelle copie de notre
«cassette-mère» avec le résultat d’une dégradation progressive de qualité. De l’autre
côté, en Suisse, l’article 19 de la Loi fédérale du 9 octobre 1992 sur le droit d’auteur
et les droits voisins (LDA) – probablement inspirée de la manière dont sont traités les
livres (qui ont, eux, une durée beaucoup plus longue et pour lesquels le problème
des copies ne se pose pas forcément) – interdit le transfert d’une génération
”originale” à la génération ”originale” suivante. Seule est autorisée copie d’archive,
sans droit de diffusion : «Pour assurer la conservation d’une œuvre, il est licite d’en
faire une copie. L’original ou la copie sera déposé dans des archives non accessibles
au public et désigné comme exemplaire d’archives» (LDA, Art. 24.1 Exemplaires
d’archives et copies de sécurité). Si nous appliquions le droit à la lettre, nous
pourrions nous constituer de belles copies d’archive, en étant toutefois contraints de
renoncer à les rendre accessibles aux utilisateurs de notre future médiathèque. Nous
recherchons à l’heure actuelle une solution légale satisfaisante pour nous tirer de ce
véritable sac de nœuds.
En tout état de cause, nous avons d’ores et déjà trouvé une solution au problème
non moins épineux de la banque de données.
On sait que la Suisse compte quatre langues nationales, dont les plus usitées sont
l’allemand et le français. Du fait que l’anglais est une langue universelle, j’ai
développé notre banque de données audiovisuelle de telle manière qu’elle puisse
être consultée dans les trois langues – allemand, français, anglais. Dès le début j’ai
voulu me conformer aux normes internationales documentaires et satisfaire en même
temps aux besoins de l’ethnologie et des sciences du cinéma.
Si j’ai pu me baser pour mon catalogue sur les normes linguistiques et
géographiques ISO (International Standardization Organisation), il n’existe pas, du
moins à a connaissance, de normes aussi cohérentes et précises, et
internationalement agréées, pour les ethnies ou pour les mots-clés des thesaurus.
On développe en général pour ces questions des solutions au cas par cas, tant il vrai
que les ethnonymes varient et sont objets de litiges et que les mots-clés varient
encore plus et sont en constant développement. Pour le thesaurus, j’ai décidé de
m’orienter vers le modèle des bibliothèques, d’autant plus que notre future
médiathèque réunira l’ensemble de nos ressources documentaires, y compris notre
bibliothèque, et sera gérée par nos bibliothécaires. C’est la raison pour laquelle les
données des collections audiovisuelles du Musée d’ethnographie, d’une part,
entreront dans le système informatique du Réseau des bibliothèques romandes
(RERO) et, de l’autre, seront publiées sur le site WEB du Musée. L’avantage offert
par ces deux entrées complémentaires est d’offrir une large visibilité à nos fonds
documentaires et de faciliter la recherche.
Quant aux dénominations des ethnies lors de la saisie des films et des vidéos, elles
apparaissent de plus en plus obsolètes au fur et à mesure qu’elles font l’objet de
récusations, de critiques et de changements par l’initiative même des ressortissants
«ethniques» et qu’avec la croissance du nombre des métissages les identifications
claires deviennent problématiques. Cela ne signifie pas qu’on néglige l’histoire des
peuples et de l’ethnographie, mais simplement qu’on prend en considération
l’évolution du mot ethnie, des ethnies elles-mêmes, des appellations d’origine
contrôlées (AOC) et des migrations intra et internationales.
Alors que Jean Rouch est justifié de montrer les Dogon comme une ethnie, par
exemple dans son film Funérailles à Bongo (1972), la chose serait parfaitement
absurde dans un film comme Regards sur le voile (2004) de Vanessa Langer tourné
à Sana au Yémen. L’appartenance ethnique ne joue, dans le meilleur cas, qu’un rôle
mineur dans ce court-métrage qui fait le portrait des femmes portant le voile, en
fonction du dernier cri de la mode et non pas comme signe d’appartenance ethnique.
Si nous saisissons de plus en plus rarement les ethnies dans notre base de données
pour les films récents, nous essayons en revanche de rester attentifs aux langues qui
y sont parlées, d’autant qu’il existe une étroite corrélation entre les langues parlées et
les origines des gens. Néanmoins les langues, ne l’oublions pas, ne sont qu’un indice
parmi d’autres de l’appartenance ethnique, comme le montre parfaitement le cas du
film de Vanessa Langer où les Yéménites les plus instruites s’aventurent même à
parler français et anglais.
Sans compter qu’il y a des langues secrètes, comme nous le savons depuis Les
maîtres fous, langues secrètes, sources d’une inquiétude fertile !
Références
Publications:
COLLEYN Jean-Paul
1988. Les chemins de Nya. Culte de possession au Mali. Paris : École des
hautes études en sciences sociales (EHESS).
CONFEDERATIO HELVETICA
2004. Loi fédérale du 9 octobre 1992 sur le droit d’auteur et les droits voisins
(Loi sur le droit d’auteur, LDA). Berne: Recueil systématique du droit fédéral.
OPPITZ Michael
1989. Kunst der Genauigkeit. Wort und Bild in der Ethnographie. München :
Trickster Verlag.
ROUCH Jean
1984. Troisième Bilan du film ethnographique, programme. Paris : Comité du
film ethnographique.
Exposition et festivals:
COMITE DU FILM ETHNOGRAPHIQUE
1984. Troisième Bilan du Film Ethnographique. Musée de l’Homme Paris.
DETRAZ Christine, GARLINSKI Majan et YAZGI Nicoals
2005. Forum d’anthropologie visuelle – Projections Indiennes (films, débats et
CinéBrunch). Musée d’ethnographie de Genève.
SOOD POOJA
2004. Another Passage to India (installations vidéo et peintures de différents
artistes indiens). Exposition au Musée d’ethnographie de Genève.
Films:
COLLEYN JEAN-PAUL ET PECHE Jean-Jacques
1983. Les Chemins de Nya. France et Belgique. 54 min.
DEPARDON Raymond
1980. Dix minutes de silence pour John Lennon. France. 10 min.
EPSTEIN Jean
1947. Le Tempestaire. France. 23 min.
LANGER Vanessa
2004. Regards sur le voile. Suisse 30 min.
ROUCH Jean
1955. Les maîtres fous. France. 26 min.
1972. Funérailles à Bongo. France. 73 min.
SIMON Franz et SCHIEFENHÖVEl Wulf
1983. Eipo (West-Neuguinea, Zentrales Hochland) – Herstellen von
Nasenstäben aus Kalzit (Arbeitssituation in der Gruppe). Allemagne. 30 min.
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Conservateur en anthropologie visuelle, Musée d’ethnographie de Genève,